La Lettre du Financier Territorial

Editorial

Des dettes pour la dette...

Publié dans le N°397 -Avril 2024
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L'annonce par l'INSEE, le 26 mars 2024, d'une révision du montant du déficit public de la France en 2023 à 5,5 % du PIB au lieu des 4,9 % attendus a immédiatement fait réagir de nombreux observateurs mais surtout nos gouvernants. Si la dette des administrations publiques au sens de Maastricht passe de 111,9 % du PIB en 2022 à 110,6 % en 2023, son volume continue à progresser au niveau très élevé de 3 101,2 milliards d'euros l'an passé. Les raisons de cette détérioration sont multiples. Dès lors, le discours des plus hautes autorités de l'État revient comme une antienne à chaque phase de la détérioration des finances publiques : il faut comprimer les finances locales comme les finances sociales qui contribuent également à la formation de la dette publique. Pourtant, la dette de l'État et des organismes divers d'administrations centrale représente bien 80 % de cette dette. Mais tout change pour que finalement rien ne change dans le discours des gouvernants sur la dette publique.

La Mission d'évaluation des lois de financement de la Sécurité sociale de l'Assemblée nationale travaille actuellement sur la gestion de la dette sociale. Les premières auditions ont montré toute la difficulté du sujet. En effet, la dette sociale été l'objet de forts mouvements liés notamment à la crise COVID. Les dépenses sociales sont essentiellement des dépenses de transfert. L'État pratique, pour une bonne part de cette dette, une stratégie de cantonnement grâce à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES). La dette de l'UNEDIC est également très importante. Le gouvernement a donc indiqué sa volonté de réformer l'assurance-chômage afin de faire rentrer de l'argent dans les caisses de l'État. Il conviendra, sans doute, un jour d'élargir le périmètre des lois de financement de la Sécurité sociale et pourquoi pas sur les dépenses sociales assumées par les collectivités territoriales et notamment les départements...

Pour les finances locales, le discours du Gouvernement est tout aussi prometteur de mesures de freinage. L'INSEE a souligné que la dette des administrations publiques locales avait augmenté de 5,8 milliards d'euros. Cette dette est, à l'inverse de la dette sociale, une dette d'investissement. Certains parlent parfois de « bonne dette » contrairement aux dettes de fonctionnement ou de transferts sociaux. Les marges du Gouvernement ne sont pourtant pas infinies en la matière. Verra-t-on revenir un encadrement par voie contractuelle des dépenses de fonctionnement à l'image des contrats dits de Cahors qui avaient failli réapparaitre dans la loi de finances pour 2023 ? La réforme de la Dotation globale de fonctionnement, actuellement en débat au sein du Comité des finances locales, ne sera-t-elle pas l'occasion de reprendre le mouvement de réduction stoppé, au moins nominalement, sous la présidence Macron ? Les dotations d'investissement ne pourraient-elles pas aussi être impactées ? Le décret d'annulation de crédits du 21 février 2024 a, par exemple, supprimé l'augmentation du « Fonds vert » adoptée pourtant quelques semaines auparavant en loi de finances. L'une des pistes de réduction de la dépense publique serait, sans doute, de rétablir de véritables ressources propres aux collectivités territoriales afin de réduire progressivement la part des transferts d'État. Voilà un sujet de réflexion pour la mission Woerth. Mais en attendant, le ciel déjà gris sur les finances locales pourrait s'assombrir davantage !

Si la question de la dette publique reste au coeur des débats financiers, elle peine cependant à impacter réellement le débat public. Mais elle pose aussi et surtout la question du rôle de l'État. En effet, le discours convenu des gouvernants sur les dettes sociales et locales ne doit pas faire oublier que la dette publique reste d'abord celle de l'État. Au-delà d'une gestion financière rigoureuse nécessaire, c'est bien la conception du rôle de ce dernier qui est de plus en plus en cause dans le système financier public. Il a choisi de concentrer l'essentiel de la dette publique sur la loi de finances en abandonnant d'importantes ressources fiscales à la Sécurité sociale et aux collectivités territoriales et en leur versant des subventions et autres aides. Or, sa dette n'est pas amortie et est donc en croissance continue. Peut-on continuer ainsi ?


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