Année blanche ou année noire ?
La dette publique a atteint au premier trimestre un nouveau niveau record à 3 345,8 milliards d'euros, soit 114 % du PIB. Depuis des mois, l'État cherche les moyens d'économiser pas moins de 40 milliards d'euros dans le cadre de la préparation du budget 2026. Dans le foisonnement de solutions avancées pour mettre de l'ordre dans les finances publiques, s'est faite jour l'idée d'une année blanche budgétaire et fiscale. Il s'agirait de fixer les dépenses du budget 2026 au niveau de celles de 2025. En théorie, cette idée est séduisante. Elle apparaitrait presque frappée au coin du bon sens pour un ménage surendetté qui devrait maitriser ses dépenses. Mais la mise en oeuvre de cette politique au niveau macro-économique est infiniment plus complexe dans un contexte d'inflation maitrisée qui limite le bénéfice du gel des dépenses. Ce dernier impliquerait, dans sa version la plus stricte, de bloquer les dépenses salariales de l'État, les seuils de revalorisation d'un certain nombre d'aides sociales et les pensions de retraite. Les recettes de l'État pourraient bénéficier d'une augmentation par le gel du barème de l'impôt sur le revenu. Cette mesure, ayant pour effet d'augmenter l'impôt de la petite moitié des Français qui y sont soumis, ne serait pas plus populaire que les autres. On imagine difficilement une majorité de l'Assemblée nationale actuelle accepter ces mesures dont le bénéfice est estimé à près de 6 milliards d'euros. Une année blanche pour les décideurs publics comme pour les contribuables pourrait se transformer en une année noire sans se traduire par une amélioration significative de la situation financière de l'État !
Les finances de l'État ne seraient pas seules à subir une année blanche. Les collectivités territoriales pourraient être impactées par le gel des dotations et concours financiers de l'État, en particulier de la Dotation globale de fonctionnement. Déjà cette année, le Gouvernement a gelé la dynamique de la recette TVA. Le gel des dotations d'investissement pourrait limiter les dépenses d'investissement et donc par prolongement le recours à l'emprunt. L'État pourrait obliger les communes à réduire leurs dépenses de fonctionnement par le gel de la traditionnelle revalorisation des bases d'imposition de la taxe foncière. Les collectivités ont déjà signifié au gouvernement leur opposition aux mesures de contraintes à venir. Les associations d'élus semblent considérer l'idée d'année blanche comme une année noire, contrairement au Sénat d'ailleurs !
Le recours à une année blanche, c'est-à-dire le choix d'un non-choix de politique de rupture, est finalement la marque d'une forme d'impuissance face au mur budgétaire. En effet, selon des projections macroéconomiques, une année blanche ne suffirait pas à redresser la situation des finances publiques. Il faudrait plusieurs années de gel pour espérer envisager un début d'amélioration. Cela parait parfaitement irréalisable en raison du contexte politique incertain dû à l'incapacité des grands courants politiques à s'accorder sur le diagnostic et les causes fondamentales de la situation financière et plus encore à prendre des mesures consensuelles de réforme, forcément douloureuses et impopulaires. L'année blanche ne saurait résoudre les causes structurelles de l'endettement massif du pays. C'est bien d'imagination et d'inventivité financière dont les décideurs publics ont le plus besoin !