La Lettre du Financier Territorial

Editorial

La programmation des politiques locales : un chantier pour l’IA ?

Publié dans le N°410 -Juin 2025
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Les finances publiques françaises seront sous contraintes pour longtemps : voilà une des rares certitudes que peut énoncer le prévisionniste. Il faudra donc naviguer au plus près et choisir avec soin les services et équipements qui devront être étalés dans le temps long. La fixation de priorités et l'écriture des agendas sont ainsi plus que jamais d'importance stratégique. Rien de nouveau, dira-t-on : toutes les collectivités locales pratiquent déjà une programmation pluriannuelle. À l'avenir, il faudra cependant être plus imaginatif, innovant et rigoureux, car les possibilités de rattrapage deviendront très incertaines.

Les outils de programmation déjà bien rodés s'appliquent à des opérations identifiées, voire plus ou moins décidées, et sur une échelle de temps assez courte. Il faudra anticiper davantage, faire des plans à plus long terme en portant attention à tout l'éventail des missions de la collectivité, en se rappelant l'enseignement de Frédéric Bastiat : « il y a ce qu'on voit et ce qu'on ne voit pas », ce dernier étant parfois important. Dans l'économie publique, les sujets viennent en débat par des effets politiques tout autant qu'en raison de leur enjeu réel. Certains sont souvent oubliés ou en arrière-plan ; pensons à la maintenance, à la rénovation, voire aux questions environnementales.

Au-delà du perfectionnement des outils de programmation existants, transposés dans une IA, celle-ci devrait donc apporter de nouvelles assistances à la décision.

À un premier niveau, on a besoin d'instruments capables de passer au crible tous les domaines de la collectivité afin d'inventorier ce qu'il y faudrait faire et à quelles échéances. Après ce recensement, il faudra hiérarchiser selon l'importance, l'urgence et les coûts. Ce qui est relativement simple dans une petite collectivité ou dans celle qui a des missions concentrées devient d'une singulière complexité dans de grandes intercommunalités ou dans les départements qui ont des compétences diverses entre lesquelles les comparaisons sont malaisées.

Un apport innovant de l'IA pourrait être l'évaluation du coût des non-décisions. Dans de nombreuses politiques, il serait éclairant de connaître les coûts directs et induits de la non-réalisation d'opérations souhaitables ou de leur report sur des années ultérieures. Cela bousculerait bien des habitudes et obligerait parfois à réviser les promesses de campagne.

Que devient la démocratie et quelle place fait-on aux attentes des citoyens dans un système d'apparence aussi mécanisé ? Des choix pleinement éclairés et argumentés sont probablement plus proches de l'intérêt général et peuvent d'autant plus facilement être soumis à la discussion publique. D'ailleurs des critères seront fournis au système par les gestionnaires et pourront inclure des orientations politiques propres à la collectivité. In fine, la décision restera aux dirigeants, qui devront l'expliquer et la défendre devant leur conseil et les citoyens.

Les concepteurs devront éviter deux écueils : un système très directif et autoritaire dans ses préconisations et un autre qui fournirait trop de données entre lesquelles il faudrait encore choisir... sans IA.


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